Le point sur l’éthylotest antidémarrage en matière de circulation routière
Le présent article a pour vocation de mettre la lumière sur les conditions d’application du dispositif de l'éthylotest antidémarrage, d’examiner les hypothèses dans lesquelles il est obligatoire ainsi que la latitude qui est encore laissée aux tribunaux dans leur prononcé.
Depuis plusieurs années, la loi en matière de circulation routière connait des réformes drastiques qui tendent à sanctionner plus sévèrement les comportements infractionnels des usagers et de limiter la récidive, particulièrement en ce qui concerne l’imprégnation alcoolique.
C’est dans le cadre de cette politique de durcissement qu’est apparu l’éthylotest antidémarrage.
Inséré dans l’arsenal législatif par une loi du 12 juillet 2009, entrée en vigueur le 1er octobre 2010, ce dispositif est un système équipant le véhicule automoteur d’un éthylotest qui empêche le conducteur de démarrer lorsqu’il présente une concentration d’alcool par litre d’air expiré d’au moins 0,09 mg.
Mesure lourde, autrefois facultative et peu prononcée par les juridictions, elle est désormais obligatoire dans certaines hypothèses, ce, depuis le 1er juillet 2018.
Le présent article a pour vocation de mettre la lumière sur les conditions d’application de cette mesure qui peut parfois apparaître comme une fatalité.
I. Hypothèses dans lesquelles le juge peut prononcer la mesure
Le juge a la faculté de limiter la validité du permis de conduire aux véhicules munis d’un dispositif antidémarrage lorsqu’il prononce une condamnation du chef des infractions suivantes :
- Conduite d’un véhicule alors que l’analyse d’haleine mesure une concentration d’alcool d’au moins 0,35 mg par litre d’air alvéolaire expiré ou que l’analyse sanguine révèle une concentration d’alcool d’au moins 0,8 gramme par litre de sang (attention toutefois : au-delà du seuil de 0,78 mg par litre d’air alvéolaire expiré ou de 1,8 gramme par litre de sang, il s’agit d’une obligation) ;
- Conduite d’un véhicule pendant le temps où cela a été interdit au contrevenant en vertu de l’article 60 de la loi (période de minimum 2h suivant la constatation de l’imprégnation) ou refus de remettre son permis de conduire ou titre qui en tient lieu à la police, sur invitation ;
- Refus de soumettre au test de l’haleine, à l’analyse d’haleine ou, sans motif légitime, au prélèvement sanguin ;
- Conduite en état d’ivresse ;
- Récidive des infractions ci-dessus renseignées dans les trois ans d’une précédente condamnation.
Le juge ne peut prononcer cette mesure de sûreté que pour autant qu’il ne prononce pas de déchéance définitive du droit de conduire un véhicule à moteur ou qu’il ne constate pas que le contrevenant est dans l’incapacité physique ou psychique de conduire.
Ladite mesure peut être prononcée pour une durée de 1 an minimum à 3 ans maximum, ou à titre définitif.
II. Hypothèses dans lesquelles le juge doit prononcer la mesure
Comme indiqué infra, si l’analyse d’haleine mesure une concentration d’alcool d’au moins 0,78 mg par litre d’air alvéolaire expiré ou que l’analyse sanguine révèle une concentration d’alcool d’au moins 1,8 gramme par litre de sang le juge a l’obligation d’assortir la condamnation du dispositif d’éthylotest antidémarrage.
Il ne s’agit toutefois pas d’une fatalité : le juge peut choisir de ne pas recourir à cette mesure pour autant qu’il motive expressément sa décision.
Cette dernière observation n’est toutefois pas valable pour les contrevenants en état de récidive.
En effet, le juge sera contraint d’imposer cette mesure dans le cas d’une condamnation pour imprégnation alcoolique d’au moins 0,50 mg par litre d’air alvéolaire expiré ou d’au moins 1,2 gramme par litre de sang qui interviendrait dans les trois ans d’une précédente condamnation pour le même taux.
III. Levée de la limitation pour certaines catégories de véhicules
Dans tous les cas, le juge a la possibilité d’indiquer une ou plusieurs catégories de véhicules pour lesquels il ne limite pas la validité du permis de conduire à ceux disposant d’un éthylotest antidémarrage, pour autant que la limitation soit prononcée au moins à la catégorie de véhicule avec laquelle l’infraction qui donne lieu à l’imposition de la mesure.
Pour ce faire, le juge doit toutefois également motiver expressément sa décision.
Il s’agit d’une nouvelle porte de sortie qui offre une possibilité au juge de tenir compte des besoins professionnels du contrevenant.
IV. Un dispositif onéreux mais…
L’éthylotest antidémarrage est une mesure extrêmement lourde financièrement : l’achat et l’installation du système coûte environ 2.500,00 EUR, le coût de service est d’environ 1.400,00 EUR par an et le coût du programme d’encadrement est de 1.100,00 EUR la première année, pour passer à 250,00 EUR les années suivantes.
Le législateur tient toutefois compte de la situation précaire de certains justiciables en permettant au juge de diminuer l’amende prononcée de tout ou partie du coût d’installation et de fonctionnement du dispositif, ce, sans qu’elle puisse s’élever à moins d’un euro.
V. Un sursis possible ?
Malheureusement, dans la mesure où l’éthylotest antidémarrage n’est pas une modalité d’exécution de la peine mais une mesure de sûreté, elle ne pourrait être couverte par un sursis, ce qui a été récemment rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2021.
En conclusion, l’éthylotest antidémarrage : une fatalité ?
Comme nous l’avons vu, même dans les cas où le Tribunal a l’obligation de prononcer cette mesure, il dispose encore d’une certaine marge de manœuvre pour s’en écarter ou en limiter les conséquences dommageables.
Il est dès lors essentiel que le Tribunal ait un aperçu clair de la situation personnelle du contrevenant, ce, pour qu’il puisse user de la marge de manœuvres que la loi lui offre encore en la matière.
Louis Hovine