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Comment réagir face à la faillite de son cocontractant ? Partie 2

Dans un premier article, nous abordions des « trucs et astuces » trouvant à s’appliquer dans le cadre de faillites ayant suffisamment d’actifs. Dans la pratique, il n’est toutefois pas rare d’être confronté à une société complètement vidée de ses actifs au jour de la faillite.

Face à une faillite dépourvue d’actif et dans l’hypothèse de fautes graves et caractérisées dans le chef du cocontractant, il reste la possibilité d’introduire une action en responsabilité.

Contrairement aux idées reçues, toutes les actions ne sont pas réservées au curateur. Le créancier peut également mettre en cause la responsabilité des administrateurs en introduisant une action en comblement de passif (1) ou en s’opposant à la faillite de son cocontractant exerçant en personne physique (2).

 

  1. L’action en comblement de passif

 

Si des fautes graves et caractérisées sont constatées dans le chef du dirigeant de droit ou de fait de l’entreprise en faillite, une action en comblement de passif peut être engagée sur base de l’article XX.225 du Code de droit économique.
En principe, cette action est introduite par le curateur. Toutefois, si ce dernier n’intervient pas, tout créancier lésé peut lui adresser une mise en demeure de le faire et à défaut de réaction dans un délai d’un mois, introduire l’affaire lui-même.
Le créancier sera en tout cas indemnisé des frais de justice si le curateur reprend l’affaire en cours de procédure.

Il conviendra de démontrer que le dirigeant a commis des fautes graves et caractérisées ayant contribué à la faillite. Sont généralement considérées comme telles par la jurisprudence : l’absence de toute forme de comptabilité ou de comptabilité incomplète[1], la poursuite d’une activité gravement déficitaire[2], le désintérêt total dans la gestion d’une société[3] ainsi que le non-paiement systématique des charges sociales et fiscales afin de s’accorder un crédit artificiel[4].

Cette action ne s’applique pas aux entreprises qui ont réalisé un chiffre d’affaires moyen inférieur à 620.000,00 € HTVA au cours des trois derniers exercices (ou de tous les exercices si la société a été constituée depuis moins de trois ans) et dont le total du bilan du dernier exercice ne dépasse pas 370.000,00 €.
Il appartiendra toutefois au dirigeant de prouver que son entreprise n’entre pas dans ces conditions, ce qui ne sera pas toujours aisé en l’absence d’une comptabilité probante[5].

Cette procédure peut aboutir à la condamnation de l’administrateur à rembourser tout ou partie des dettes de l’entreprise à concurrence de l’insuffisance de l’actif.
La répartition des montants payés par l’administrateur entre les différents créanciers sera différente selon que celui-ci s’est rendu coupable d’une diminution de l’actif (a) ou d’une aggravation du passif (b).

  1. L’indemnisation destinée à réparer une diminution ou une absence d’actif sera répartie entre les créances selon les règles de préférence.
  1. A l’inverse, l’indemnisation accordée en réparation d’une aggravation du passif sera répartie proportionnellement entre les différents créanciers sans tenir compte des causes légitimes de préférence, ce qui peut s’avérer plus avantageux pour les créanciers chirographaires.

 

  1. L’opposition à l’effacement des dettes

 

Face à la faillite d’un cocontractant exerçant en personne physique, le créancier aura également la possibilité de s’opposer à l’effacement de ses dettes.

Pour bénéficier de l’effacement de dettes, le failli doit déposer une requête dans un délai de trois mois à partir de la publication du jugement déclaratif de faillite.

Le Tribunal statue au plus tard au moment de la clôture de la faillite ou au plus tôt dans un délai de six mois après l’ouverture de la faillite si le failli en fait spécialement la demande.
Au plus tard un mois après le dépôt de la requête en effacement, le curateur dépose son rapport sur les circonstances pouvant donner lieu au constat de fautes graves et caractérisées justifiant le refus de l’effacement des dettes.
Il n’est cependant pas toujours aisé de déceler de telles fautes dans un délai si court.

Cela étant dit, tout créancier peut également s’opposer à l’effacement de tout ou partie des dettes de son cocontractant sans être tenu par un tel délai, si ce n’est l’échéance de la clôture de la faillite.

Dès le moment où le jugement de faillite est publié au Moniteur belge, le créancier peut déposer une requête en opposition d’effacement dans laquelle il justifiera des fautes graves et caractérisées ayant contribué à la faillite.

Si le Tribunal fait droit à la demande d’opposition à l’effacement des dettes, le failli restera tenu au paiement du solde de ses dettes après la procédure de faillite.

Le créancier pourra alors à nouveau exercer toutes les voies d’exécution à l’encontre de son cocontractant pour recouvrer sa créance.

 

Alessia Bonomini

 


[1] Liège, 30 avril 2007, R.D.C., 2008/4 ; Bruxelles, 15 novembre 2007, J.L.M.B., 2009, p. 305 ; Comm. Charleroi, 19 juin 2009, J.L.M.B., 2010, p. 958.

[2] Bruxelles, 15 novembre 2007, J.L.M.B., 2009, p.305.

[3] Liège, 20 février 2018, D.A./O.R., 2019, p. 76.

[4] Liège, 11 mai 2001, J.T., 2002, p.194.

[5] Comm. Charleroi, 7 janvier 1997, R.D.C., 1997, p.643 ; Liège, 23 novembre 2007, J.L.M.B, 2009, p. 317 ; Liège, 13 février 2007, J.D.S.C., 2009, p.226 ; Liège, 21 mai 2010, J.D.S.C., 2011, p. 183 ; Liège, 25 février 2016, T.R.V – R.P.S, 2017, p. 73

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