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Protection d’actionnariat composé de personnes morales: focus sur la clause de changement de contrôle

Focus sur la clause d’exclusion en cas de changement de contrôle au sein d’un actionnaire personne morale. Comment la construire et quels sont les points d’attention pour protéger au mieux sa société contre l’arrivée d’actionnaires non désirés ?

A travers la rédaction des statuts ou de pactes d’actionnaires, la pratique démontre une certaine volonté des actionnaires de se prémunir contre l’arrivée, non désirée, de nouvelles personnes au sein de l’actionnariat.
Toutefois, lorsque l’actionnariat est composé de personnes morales, les mécanismes de protection les plus courants tels que les clauses d’agrément et de préférence peuvent être contournés. En effet, ces clauses statutaires et conventionnelles s’appliquent au transfert de titres de la société, mais sont sans effets sur le transfert de titres d’une société actionnaire propriétaire de ces titres. Il suffirait à cet actionnaire personne morale de céder une majorité de ses titres à un tiers qui prendrait alors son contrôle pour devenir, indirectement, actionnaire de la première sans s’être soumis préalablement à la clause d’agrément et/ou de préférence.

Exemple : La société H est composée de trois actionnaires, A, B et C, tous les trois soumis à une clause d’agrément statutaire s’ils souhaitent céder leurs titres dans la société H. La société actionnaire B est une personne morale. Elle n’est pas soumise à la clause d’agrément en ce qui concerne ses propres titres. L’actionnaire majoritaire de B cède ses titres et le contrôle de la société B à X qui devient actionnaire majoritaire de B. De par sa possession des titres de B, X devient indirectement actionnaire de la société H sans que les actionnaires A et C aient pu marquer leur agréement.

Pour cadenasser ces échappatoires , Il existe des mécanismes complémentaires: les clauses d’exclusion et les clauses de préférence sur les titres des actionnaires personnes morales.

1.La clause en exclusion en cas de changement de contrôle

Il est opportun de délimiter ce qu’on entend par un changement de contrôle. Généralement, ce dernier sera défini comme étant une « cession de titres par l’actionnaire majoritaire de la société actionnaire ou un changement dans la gestion de cette dernière »[1]. Il peut également être intéressant d’également y inclure le décès de l’actionnaire majoritaire de la société actionnaire[2].
La clause d’exclusion prendra, le plus souvent, la forme d’une option d’achat dans le chef des autres actionnaires sur les titres que possède l’actionnaire personne morale dans le cas où cette dernière subirait un changement de contrôle[3]. Les détenteurs de l’option auront la faculté d’exercer ou pas leur option d’achat à la suite du changement de contrôle au sein de l’actionnariat du promettant qui aura alors l’obligation de céder ses titres.
Il faudra réserver une attention particulière à la rédaction de la clause dont il faudra préciser les éléments qui suivent. 

a.A qui bénéficiera l’option ?

Cela a son importance : si un actionnaire minoritaire décide de lever l’option, il pourrait devenir le nouvel actionnaire majoritaire de la société. On pourrait par exemple prévoir que sont bénéficiaires de l’option tous les autres actionnaires, seulement les actionnaires d’une certaine catégorie de titres, voire, uniquement l’actionnaire majoritaire[4].

b.Dans quelle proportion chaque actionnaire pourra exercer l’option ?

Dans le cas où l’option bénéficie à plusieurs actionnaires, on pourrait prévoir que chacun pourra lever l’option sur une proportion définie de titres. Cela peut notamment être envisagé s’il existe un souhait de garder un certain équilibre au sein de l’actionnariat[5].
On pourrait par exemple prévoir que chaque bénéficiaire pourra lever l’option sur 100% des titres, auquel cas il faudra régler le cas où plusieurs actionnaires lèveraient l’option ; mais il est possible également de fixer que chacun des bénéficiaires pourra lever l’option sur un pourcentage égal des titres ou au prorata des titres qu’ils détiennent déjà au sein de la société[6].
Une autre possibilité serait de prévoir que de l’option d’achat ne portera que sur une partie des titres. Cette modalité n’aurait pas pour objectif d’exclure complètement l’actionnaire qui a fait l’objet d’un changement de contrôle de la société, mais de limiter sa participation et son pouvoir de décision au sein de ladite société en le forçant, si l’option est levée, à céder une partie de ses actions.

c.Quel est le délai pour exercer l’option ?

Le CSA n’envisage pas les clauses d’option d’achat et ne fixe pas de limite quant à la durée d’exercice comme il le fait pour les clauses d’agrément. Le délai d’exercice de l’option est par conséquent laissé à la libre appréciation des parties. Il ne faut toutefois pas perdre de vue le principe général de droit selon lequel on ne peut s’engager de manière illimitée sous peine de voir l’engagement unilatéral être résilié à tout moment par le promettant[7].
Dès lors, on ne peut que conseiller, non seulement de prévoir un délai raisonnable au cours duquel les bénéficiaires de la clause pourront lever l’option, mais aussi de définir précisément le point de départ de ce délai[8].

d.Comment fixer le prix du transfert des titres ?

Ce dernier doit en effet être déterminé, ou à tout le moins déterminable dès la rédaction de la clause[9]. Plusieurs méthodes de fixation sont possibles comme un prix fixe dès le départ, il peut être déterminé à une date donnée sur base de critères tels que la valeur de marché, la valeur comptable ou la valeur de rendement[10]. Enfin, on pourrait prévoir qu’il soit fixé par un tiers arbitre[11].

e.Quels sont les autres points d’attention ?

Il ne faut pas perdre de vue que la cession de titres peut être entravées par des droits réels (comme leur mise en gage). On ne peut que conseiller de prévoir dans la clause que celui qui s’oblige s’abstiendra de grever ses titres de droits qui pourraient compromettre leur cession en pleine propriété[12].

2.Le droit de préférence sur les titres de la personne morale qui détient des actions dans la société

Il s’agirait dans le chef des autres actionnaires, un droit de préemption sur les titres de la société actionnaire qui souhaite céder une majorité de ses actions[13].

Exemple : La société H est composée de trois actionnaires, A, B et C. La personne privée au contrôle de la société actionnaire B souhaite céder les titres de sa propre société de sorte que l’acquéreur de ces titres contrôlera B. les actionnaires A et C auront un droit de préférence sur les titres que la société actionnaire B souhaite céder.

Contrairement à la clause d’option d’achat qui va s’exercer sur les titres de la société H, cette clause de droit de préférence, si elle est levée, s’exercera sur les actions de la société actionnaire. En conséquence l’actionnaire A et/ou l’actionnaire C seront les nouveaux actionnaires majoritaires de la société-actionnaire B.
Force est de constater que ce type de clause n’est pas toujours évident à organiser en pratique. En effet, cette dernière requiert que la personne privée qui contrôle la société actionnaire soit également signataire de la convention excluant de facto la possibilité de prévoir ce mécanisme au sein même des statuts[14].
En outre, l’état des finances de la société actionnaire peut être difficile à évaluer pour les bénéficiaires de la clause, rendant l’exercice d’un tel droit de préférence risqué financièrement[15].

Notre conseil

Au vu de ce qui précède, on ne peut que conseiller aux entreprises souhaitant protéger leur actionnariat d’accorder une attention toute particulière à la rédaction de clauses complémentaires à celles que l’on retrouve plus traditionnellement concernant la cessibilité des titres.

Il faudra en effet effectuer un travail sur-mesure par rapport aux besoins et spécificités de chaque société tout en s’assurant une largesse nécessaire afin d’atteindre l’objectif initial.

 

Clara SAVENBERG

 


[1] I. BEELEN, L. VOSSEN, F. GOFFINET, la convention d’actionnaires dans les PME et le nouveau droit des sociétés, Indicator-Larcier, 2020, p.51.

[2] Ibid., p. 51.

[3] J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, H. CULOT, Droit des sociétés, 5e édition, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 314.

[4] I. BEELEN, L. VOSSEN, F. GOFFINET, op. cit., p. 52.

[5] Ibid., p. 52.

[6] Ibid., p. 52.

[7] R. AYDOGDU, Les conflits entre actionnaires, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 97.

[9] M. FYON, J-F GERMAIN, L'entreprise face à l'urgence, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2018, p. 253 ; F. WILMET, « L’exclusion d’une société actionnaire en cas de changement de contrôle », DA/OR, 1993, n° 30, p. 92.

[10] O. CAPRASSE, R. AYDOGDU, « L'exclusion et le retrait non judiciaires dans les sociétés à responsabilité limitée », D.A.O.R., 2007/3, n° 83, pp. 299-300.

[11] F. WILMET, « op. cit., p. 92.

[12] I. BEELEN, L. VOSSEN, F. GOFFINET, op. cit., p. 56..

[13] Ibid., p. 49.

[14] I. BEELEN, L. VOSSEN, F. GOFFINET, op. cit., p. 48.

[15] Ibid., p. 48.

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